Œuvres
Talisman of Henna – Enfouissement
2024
Laine naturelle teintée au henné, fil de coton, bois de balsa, acier inoxydable
Crochet, tissage à plat, couture
356 x 200 x 4 cm
Avec le soutien de la Ford Foundation

 

Commissariat
Beya Othmani
Kobe Ko
Roxana Fabius

 

Crédit photos
Wong Pak Hang, Studio Lights on
Courtesy Ford Foundation

 

Traduit en français par « chanter doucement », le titre de cette série d’expositions est tiré d’une expression utilisée par Dora María Téllez Argüello, une prisonnière politique nicaraguayenne aujourd’hui libérée, pour décrire les exercices de chant qu’elle pratiquait lorsqu’elle était incarcérée à l’isolement. L’aidant à préserver sa voix et à vaincre la terreur politique qu’elle subissait, le chant discret de Téllez est devenu une puissante stratégie de survie et de résistance. Conçue en trois mouvements, Cantando Bajito met en lumière des artistes qui explorent des formes similaires de résistance créative à la suite de violences sexistes généralisées.

Le deuxième chapitre, Cantando Bajito : Incantations, rassemble des artistes qui s’intéressent aux réseaux de soutien et de soins ancestraux, contemporains et tournés vers l’avenir, qui protègent les corps féminisés par des formes de transmission du savoir.

Ces réseaux — systèmes symboliques, espaces subversifs ou formes de langage secrètes — sont aussi variés que les communautés qui les développent. Ils comprennent le nüshu, une forme d’écriture transmise de mère en fille en Chine ; l’utilisation du henné comme agent de protection ; ainsi que des formes de communication thérapeutique considérées comme des « commérages ». Tous existent depuis longtemps, que ce soit dans l’ombre ou au grand jour. Préservés non pas dans l’histoire écrite, mais dans le corps, ces canaux préparent les corps féminisés à une violence potentielle tout en leur fournissant des outils pour y résister.

Remerciements particuliers aux membres du groupe consultatif curatorial Cantando Bajito : Isis Awad, María Carri, Zasha Colah, Maria Catarina Duncan, Marie-Hélène Pereira, Mindy Seu et Susana Vargas Cervantes.
— Texte original publié en anglais sur le site de la Ford Foundation, dans le cadre de la présentation de l’exposition « Cantando Bajito : Incantations ». Traduction non officielle en français réalisée pour le site de l’artiste.

 

Enfouissements (2024), Amina Agueznay réinterprète l’adghar, voile matrimonial traditionnel porté par les femmes le jour de leur mariage dans la chaîne de l’Anti-Atlas, au Maroc. L’adghar est un tissu blanc orné de symboles brodés et de dessins au henné, censés protéger la mariée et lui apporter des bénédictions. Il est généralement porté sous les vêtements, à l’abri des regards, afin d’en préserver les pouvoirs. S’inspirant de cet objet, Agueznay conçoit Enfouissements comme un talisman : des éléments en laine crochetée, teinte au henné, sont cousus sur un tapis blanc tissé à plat. Le henné, obtenu à partir des feuilles séchées et broyées de l’arbre du même nom, est reconnu dans de nombreuses cultures pour ses vertus ésotériques et ses bienfaits thérapeutiques. Pour composer cette œuvre, l’artiste s’est appuyée sur les symboles graphiques présents dans les ornements textiles et les bijoux de son environnement. Assemblés, ces signes constituent un langage codé transgénérationnel entre femmes, formant des incantations dotées de pouvoirs protecteurs et métaphysiques.

Dans le cadre de cette nouvelle commande, Agueznay déconstruit ces vers symboliques en fragments tridimensionnels, assimilables à des éléments de bijou, qu’elle réassemble en une partition talismanique personnelle. Elle insère ensuite ces composants à l’intérieur de la fibre blanche, en en déchirant la surface pour y coudre les pièces. Ce geste souligne le lien intrinsèque entre protection et violence – cette dernière étant souvent la condition nécessaire à l’existence de la première. L’artiste qualifie ce processus d’« actes d’enfouissement », reflétant à la fois la force invisibilisante des violences sexistes et les formes de résistance qui s’expriment dans le secret et la dissimulation.
— Texte rédigé par Beya Othmani, co-commissaire de l’exposition « Cantando Bajito : Incantations ». Traduction non officielle en français réalisée pour le site de l’artiste.

 

Texte – Kristi Ann Jones