Œuvres
Nature Controlled
2010
Installation
Viscose (sabra), coton, métal galvanisé peint
Crochet, couture
Dimensions variables
Commissariat
Mohamed Rachdi
Crédits photos
Michel Teuler
Courtesy Artiste
Créée pour « Paysage et Nature », l’exposition collective organisée en 2010 par la Société Générale (Casablanca), Nature Controlled est une réflexion hybride sur la confrontation entre l’humanité et le monde naturel. Ici, la matière végétale est transposée en sabra, ce fil de viscose que Amina Agueznay crochète à la main pour composer des pièces de bijouterie. L’artiste affirme ici sa prédilection pour le jeu des échelles, du micro au macro, en transformant le médium lui-même : de l’intime à l’architectural, de l’artisanal à l’industriel.
L’exploration que fait Agueznay avec ce matériau a commencé avec des œuvres destinées au corps, issues de sa série Jewels, et se poursuit dans cette installation à grande échelle. En entrant dans l’espace d’exposition, l’œuvre se déploie comme une construction double articulée autour de deux colonnes existantes : une sorte de paysage artificiel, contrôlé. De longues cordes de sabra, déclinées en différents tons de vert, deviennent des jardins suspendus — jardines colgantes — retenus par des cadres métalliques indépendants. Les colonnes porteuses s’effacent derrière ce rideau de « végétation », à l’image des murs des villas abandonnées de la vieille ville, inévitablement réinvestis par la luxuriance naturelle. L’intervention de l’artiste se rapproche de celle d’un jardinier : elle taille pour libérer de l’espace, elle canalise la croissance pour susciter de nouvelles formes d’émergence.
À l’échelle de l’installation, le sabra reste un matériau fluide. Chaque filament devient une ligne ; ces lignes s’agrègent pour former des surfaces, puis des volumes, dans une structure savamment planifiée. Mais le sabra est imprévisible, et comme des lianes grimpantes ou tentaculaires, les lignes cherchent à se rejoindre et à s’entrelacer. Une dualité émerge : une fibre synthétique dans un vert d’apparence naturelle, une liberté de mouvement contenue dans des cadres stricts, une forme architecturale composée d’une matière souple. Que se passe-t-il, alors ?
Peut-être un tour de passe-passe, qui fait disparaître les colonnes en jouant de la forme pour générer du vide. Elles sont toujours là — l’œil en perçoit la présence derrière les fils verts —, mais elles deviennent un espace négatif, effacé par la force inexorable de la nature. Le spectateur comprend que ces jardins sont artificiels, synthétiques, architecturaux, et pourtant ils évoquent un monde disparu, qui réapparaît soudain dans l’espace d’exposition, réclamant avec puissance son territoire. La nature peut-elle vraiment être contrôlée ?
— Texte original en anglais de Kristi Ann Jones. Traduction française réalisée avec validation de l’auteur.