Œuvres
ANKABOUTH #2
2017
Installation
Laine naturelle filée non teintée, paillettes métalliques (mozone), fil, cordon, fils de fer
Crochet, perlage et couture
200 m²
Composition sonore : DJ Mood, boucle sonore, 6 min

→ Pour plus d’informations, se référer à l’œuvre Ankabouth dans la rubrique “Œuvres”

 

Commissariat :
Ghitha Triki

 

Crédits photos :
Guy Thimel
Courtesy Attijariwafa Bank Foundation

 

L’installation Ankabouth est composée de centaines d’éléments en forme d’anneaux crochetés, terminés par de longs écheveaux en laine filée parsemés par endroits de paillettes métalliques (mouzouna). Certains sont solidarisés par le tissage ou le crochet, d’autres volontairement laissés libres et indépendants. Au gré de l’espace qui s’offre à elle, l’artiste en choisit des morceaux, comme autant de nouveaux idéogrammes de son alphabet plastique, qu’elle recompose, articule ou désarticule, s’accordant ainsi toute liberté pour tracer une nouvelle gestuelle, dont le but est d’instaurer un dialogue avec l’espace et d’offrir ainsi à l’œuvre une modularité protéiforme sans fin.

Ankabouth a d’abord été initiée puis présentée pour la première fois en 2016, sur 35 m² *, dans un espace dominé par la verticalité et la monumentalité, et où d’autres œuvres, peinture et sculpture, tout aussi monumentales, ont statut muséal. Pour Amina Agueznay, qui fait d’abord fonctionner les mécanismes de sa formation première d’architecte, le défi était de se mesurer à cet espace sans altérer la présence des œuvres en place.

(…) Aujourd’hui, à l’invitation de la Fondation Attijariwafa bank, c’est à un tout autre défi spacio-temporel qu’Amina Agueznay a eu à confronter Ankabouth. Pour cet espace de réunions situé en hauteur, d’une surface d’environ 200 m², qu’Attijariwafa bank tenait à marquer d’un geste artistique originel, Amina a choisi de déconstruire son œuvre en la déposant à même le sol. Apesanteur, verticalité versus horizontalité.

L’espace, que la vue d’un jardin sauvage relie à l’extérieur, s’est transformé en rivage, pour accueillir ces formes blanches et laiteuses, semées par grappes, ou isolées, et redevenues matière mouvante, presque fuyante. On peut y voir des méduses échouées sur la grève, des anémones mutantes, ou des algues, effet miroir de celles de Malika Agueznay, ou encore un cabinet de curiosités provenant d’étranges découvertes archéologiques…

Cette œuvre invite aussi à méditer devant la douceur enveloppante de la laine, matière dont se vêtaient les soufis, comme les pauvres, en signe de modestie. Or c’est cette humilité nécessaire à tout acte créatif se confrontant à l’organicité de la matière, transmise par les artisans détenteurs d’un savoir-faire millénaire, qu’Amina Agueznay recherche et rejoint constamment sur son chemin.

Pour cette même raison, l’artiste et la Fondation ont souhaité interpréter les silences et les cris qui pouvaient révéler la laine, en adjoignant à l’œuvre un son produit par les soins de Dj Mood. Dans cette création sonore atmosphérique originale, se mêlent les sons du Ney soufi, le tintement des mozones et celui de l’Aïta amazighe de l’Atlas, en hommage à la montagne d’où provient la laine et à toutes celles qui la filent patiemment depuis des siècles.

L’intérêt ici, est la métamorphose constante de la matière et du geste créatif qui guide l’artiste, pour en appeler à une métaphore du cycle de vie, ou tout simplement à la rencontre. Cette œuvre, qui connaîtra certainement d’autres mues, agit ici, comme une transition entre deux temps et deux espaces ; l’espace intérieur, à l’ordre implacable, et l’extérieur, qui laisse entrevoir alentour une nature indomptée.
— Extrait du texte de Ghitha Triki pour l’exposition « Amina and Malika Agueznay, Metamorphosis », 2018

Notes:
*Atrium du siège de la Société Générale, Casablanca, avril 2016. Commissariat Mohamed Rachdi.